Depuis plusieurs mois, la presse et les conférences tech multiplient les annonces sur l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’e-commerce B2C. Agents conversationnels, recommandations en temps réel, génération de contenus : les exemples se sont banalisés. Mais dans le B2B, secteur souvent jugé plus lent à adopter les nouvelles technologies, un basculement majeur est en cours.
L’actualité e-commerce en donne une nouvelle preuve : Djust, plateforme e-commerce B2B française, vient de lever 7 millions d’euros pour intégrer l’IA agentique au cœur de son offre. Derrière l’effet d’annonce, une vraie question émerge : cette approche est-elle une rupture ou une simple accélération d’un mouvement déjà engagé par des plateformes e-commerce leaders comme Oro ou Intershop ?
Car au-delà des buzzwords, la vraie bataille n’est pas d’annoncer l’IA… Mais de mesurer son impact sur la performance business.
La levée de Djust : un signal fort pour l’écosystème B2B
Le 1er octobre 2025, Djust a annoncé une extension de série A de 7 millions d’euros, auprès de ses investisseurs historiques (NEA, Elaia, Speedinvest).
Les faits à retenir sur Djust
Clients actuels : ~50 entreprises, dont Eiffage, Franprix, Monoprix, Jeff de Bruges.
Volumes : plus de 1,5 milliard d’euros de commandes annuelles déjà traitées via sa plateforme.
Ambition : doubler ce volume pour atteindre 3 milliards d’euros d’ici 2026.
Produits : lancement de Djust Pay, solution de paiement B2B avec options de Buy Now Pay Later (BNPL) grâce à des partenaires financiers comme Adyen.
Technologie : développement d’un moteur d’IA agentique capable de transformer automatiquement un email ou un appel en commande (mail-to-order, voice-to-order).
Expansion : l’argent servira aussi à conquérir de nouveaux marchés en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Nordics).
Pourquoi cette annonce frappe fort
Elle positionne Djust comme champion européen de la modernisation B2B.
Elle surfe sur une narration très “sexy” : l’agentic commerce, où l’IA devient actrice et non plus simple copilote.
Elle cristallise une tendance : l’intégration de l’IA dans les processus historiques du B2B (commandes par email, devis, paiements différés).
Mais cette annonce soulève aussi une interrogation : Djust invente-t-elle un nouveau modèle… Ou rejoint-elle une course déjà engagée par les grands noms du commerce B2B ?
La réalité ? Oro et Intershop n’ont pas attendu
Oro : l’IA au service des commandes complexes
La plateforme OroCommerce (open-source, B2B natif) a déjà déployé des modules concrets :
AI SmartOrder : convertit automatiquement les bons de commande envoyés par email ou PDF en transactions e-commerce.
AI SmartAgent : assistant conversationnel capable de gérer les devis, la configuration produit et le suivi de commande.
Recherche et recommandations IA : moteur intelligent pour optimiser les taux de conversion et augmenter l’AOV (Average Order Value).
Autrement dit, Oro a déjà mis en production les cas d’usage que Djust annonce.
Intershop : le cadre stratégique pour les C-level
De son côté, Intershop (leader historique des plateformes B2B en Allemagne) a aussi une vision très structurée et travaille en partenariat étroit avec Microsoft et a déjà lancé Intershop AI.
L’approche est claire :
Mettre en place un cadre Intelligent Customer Interaction (ICI) pour piloter l’IA de manière cohérente.
Définir des Customer Value Indicators (CVI) : de nouveaux KPI centrés sur la valeur client (fréquence, engagement, lifetime value).
Créer des rôles comme le Responsible ICI (RICI) pour éviter l’éparpillement et garantir la gouvernance.
Préparer la bascule vers une agentic AI qui agira de façon autonome à grande échelle.
Là où Djust promet de l’agilité et de la vitesse, Intershop formalise une approche gouvernance et ROI, adaptée aux grands comptes.
Les cas d’usage IA B2B qui créent de la valeur
La commande sans friction
Le traitement des devis et commandes reste un point de douleur majeur dans le B2B.
70 % des commandes passent encore par email ou PDF.
Les coûts de saisie manuelle représentent jusqu’à 5 % du CA selon Gartner.
Les solutions comme PDF-to-order (Oro) ou Mail-to-order (Djust) permettent d’automatiser ces flux.
KPIs à suivre : % de commandes auto-traitées, temps moyen de cycle devis→commande, taux d’erreurs.
Le self-service augmenté
Les clients B2B veulent la même expérience que dans le B2C.
74 % des acheteurs B2B se disent frustrés par les parcours trop lourds (McKinsey).
Les SmartAgents (Oro, Intershop) peuvent automatiser la génération de devis, répondre aux questions contractuelles et gérer des suivis de commande.
KPIs à suivre : taux d’auto-résolution, AOV, NPS parcours.
Le paiement B2B modernisé
Le paiement reste un frein structurel. Djust mise sur Djust Pay et le BNPL B2B pour réduire le DSO (Days Sales Outstanding).
KPIs à suivre : DSO moyen, taux de conversion au paiement, coûts de recouvrement.
Comparatif des plateformes e-commerce B2B
Plateforme | Positionnement | Fonctionnalités IA | Stratégie |
---|---|---|---|
Djust | Scale-up française | Mail-to-order, Voice-to-order, Djust Pay + BNPL | Expansion Europe, narration “agentic commerce” |
Oro | Leader open-source B2B | SmartOrder, SmartAgent, recherche/reco IA | Cas d’usage industrialisés, intégration ERP/CRM |
Intershop | Plateforme globale B2B | Cadre ICI, CVI, agents & copilotes | Gouvernance C-level, vision long terme |
Risques et clés de succès
Éviter l’IA gadget : se concentrer sur les KPI business (DSO, AOV, taux de cycle).
Maîtriser la dette data : nettoyer et unifier les sources avant d’automatiser.
Assurer la gouvernance : définir des rôles, sécuriser les données, intégrer le RGPD.
La levée de fonds de Djust est un symbole : le B2B entre officiellement dans l’ère de l’IA agentique. Mais la réalité est claire : les briques sont déjà en place chez les leaders du secteur.
La vraie question pour les dirigeants n’est pas “faut-il investir dans l’IA ?” mais “comment industrialiser rapidement des cas d’usage qui créent de la valeur mesurable”.
Les gagnants de demain seront ceux qui sauront :
aligner stratégie et exécution,
déployer vite des use cases simples mais ROIstes,
préparer la gouvernance pour scaler.
Car dans le B2B, la bataille de l’IA ne se gagnera pas à coups de communiqués de presse… Mais par la capacité à transformer un devis en commande et une commande en cash plus vite que ses concurrents.
FAQ - Les questions à se poser sur le commerce agentique en B2B
Non. Les briques existent déjà (PDF-to-order, SmartAgents, reco IA). La nouveauté est l’orchestration bout-en-bout promue par Djust.
Mail/PDF-to-order, SmartAgents pour service/ventes, modernisation du paiement B2B.
Djust incarne la vitesse et le paiement intégré ; Oro et Intershop proposent des modules industrialisés et un cadre de gouvernance pour scaler.
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