Une nouvelle révolution est en marche dans l’univers du commerce en ligne. Après le m-commerce, le social commerce ou encore le voice commerce, voici désormais l’agentic commerce : un modèle où l’intelligence artificielle ne se contente plus d’assister le consommateur, mais agit en son nom pour rechercher, comparer, recommander et… acheter.
OpenAI a récemment officialisé la fonctionnalité « Buy it in ChatGPT », permettant aux utilisateurs de finaliser un achat sans quitter la conversation avec l’IA. Shopify, Stripe ou encore iAdvize annoncent leurs propres initiatives. Et déjà, des acteurs comme Instacart, Klarna ou Carrefour se branchent sur ces nouveaux rails.
Cette tendance n’est a priori pas anecdotique. Elle redéfinit :
le rôle des plateformes e-commerce,
la visibilité des marques dans un monde où l’IA est l’intermédiaire principal,
la place des équipes e-commerce, appelées à piloter des écosystèmes conversationnels plutôt qu’un simple site web.
En d’autres termes, l’agentic commerce déplace le pouvoir : ce n’est plus le client qui clique, c’est l’IA qui agit pour lui. Une bascule aussi stratégique que l’a été le passage du magasin physique au e-commerce il y a vingt ans.
Agentic commerce : définition et périmètre
Une IA qui devient “agent autonome”
Le concept d’agentic commerce repose sur l’idée d’agents d’IA autonomes capables de prendre des décisions et d’exécuter des actions en temps réel. Concrètement, au lieu que l’utilisateur passe par un site ou une app pour remplir un panier, il peut simplement formuler une intention dans ChatGPT ou un autre agent conversationnel :
“Je veux un appareil photo hybride 4K pour mon entreprise, budget 2 000 €.”
L’IA recherche les modèles disponibles, compare les fiches techniques, vérifie la disponibilité chez différents marchands, puis propose une recommandation.
Avec validation de l’utilisateur, elle passe directement à l’achat, gère le paiement et envoie la confirmation.
C’est donc bien plus que du commerce conversationnel (qui se limitait à dialoguer avec un chatbot sur un site). Ici, l’IA sort du cadre propriétaire et agit comme un courtier intelligent dans tout l’écosystème.
Différence avec le voice commerce et le social commerce
Le voice commerce (via Alexa, Google Assistant) reposait surtout sur la commande vocale, mais avec des parcours souvent limités à une marketplace unique (ex : Amazon).
Le social commerce se déroule sur les réseaux sociaux (Instagram, TikTok, Pinterest), où l’achat est déclenché par une interaction sociale ou visuelle.
L’agentic commerce va plus loin : il délègue la décision à une IA qui agit en agent tiers, sans se limiter à une plateforme unique.
Le JDN l’explique bien : « l’IA ne se contente pas d’assister, elle orchestre et finalise le parcours d’achat. » C’est un glissement sémantique et stratégique majeur : du rôle de conseiller à celui d’acteur.
Pourquoi c’est une rupture ?
Désintermédiation des sites e-commerce : si l’achat se fait dans ChatGPT, le site marchand n’est plus forcément le lieu de conversion.
Réduction de la complexité pour le client : l’agentic commerce supprime les frictions (pas de panier à remplir, pas de comparatifs manuels).
Risque de commoditisation : si l’IA privilégie prix et disponibilité, comment une marque peut-elle encore émerger ?
Un champ d’application B2C… et B2B
Dans le B2C, les cas d’usage sont évidents : achat d’alimentation, mode, électronique, voyages. Mais le B2B pourrait être le grand gagnant :
réassort automatique de fournitures,
gestion de commandes récurrentes complexes,
suivi en temps réel des conditions de livraison et disponibilité.
Les solutions comme Stripe parlent d’un potentiel « triple levier de croissance » : personnalisation, simplification et automatisation. De quoi séduire des directions achats, souvent en quête de gains de productivité et de simplification des process.
Le marché et les chiffres clés
OpenAI ouvre la voie avec « Buy it in ChatGPT »
Le signal fort est venu fin septembre 2025, avec l’annonce officielle d’OpenAI : ChatGPT intègre désormais la possibilité d’acheter directement depuis la conversation.
Des partenaires comme Instacart, Shopify et Klarna sont déjà intégrés, permettant aux utilisateurs de rechercher un produit, comparer les offres, et régler en quelques secondes sans jamais quitter l’interface.
C’est une rupture technologique, mais aussi stratégique. Comme l’explique Siècle Digital : « L’utilisateur reste dans l’écosystème conversationnel, l’IA s’occupe du reste. » Cela signifie que la porte d’entrée de l’e-commerce pourrait ne plus être Google ou Amazon, mais… un agent IA.
Shopify, Stripe et l’écosystème des paiements
Shopify a rapidement annoncé ses propres initiatives en matière d’agentic commerce, mettant en avant la capacité de ses marchands à être visibles et transactionnels directement depuis ChatGPT ou d’autres agents. Pour les e-commerçants, c’est une nouvelle source de trafic, mais sans passer par leur site : un renversement du modèle classique.
Stripe, de son côté, a publié un guide sur « l’agent-ready retail », identifiant trois opportunités principales :
Personnalisation extrême : l’agent connaît les préférences, budgets et habitudes de chaque client.
Simplification des parcours : un achat se fait en quelques secondes, sans formulaires complexes.
Automatisation : commandes récurrentes, abonnements, réassorts peuvent être déclenchés automatiquement par l’IA.
Stripe va même plus loin en comparant cette vague à celle du mobile commerce il y a dix ans. Selon eux, les acteurs qui se sont adaptés tôt ont pris une longueur d’avance quasi impossible à rattraper.
Des signaux d’adoption dans tous les secteurs
iAdvize met en avant la montée en puissance du “conversational buying”, avec déjà plusieurs retailers européens qui testent des agents autonomes en service client.
Ecommerce Nation parle d’un marché estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros dès 2027 si les intégrations s’accélèrent.
Vidjet souligne que 65 % des consommateurs seraient favorables à ce type d’assistant IA, à condition d’une transparence sur les choix et d’une sécurité renforcée sur les paiements.
Redbridge tempère en rappelant que beaucoup d’initiatives technologiques sont passées par une phase de hype avant de trouver leur vraie place : « Terme à la mode ou révolution en marche ? »
Vers une bascule des canaux d’acquisition
Jusqu’ici, le SEO et les ads (Google Ads, Meta Ads) concentraient la majorité des budgets d’acquisition. Demain, l’enjeu sera de rendre son catalogue lisible et exploitable par les IA agents.
En clair, ce n’est plus l’internaute qu’on convainc directement, mais une IA qui filtre, compare et choisit en fonction d’algorithmes. Un changement comparable à l’arrivée de Google Shopping… mais avec une IA prescriptrice et acheteuse.
Impacts stratégiques pour les e-commerçants
Une perte de contrôle sur la relation client
Jusqu’ici, un site e-commerce contrôlait son parcours client, de la landing page à l’email post-achat. Avec l’agentic commerce, une grande partie de cette relation se déplace vers l’IA.
L’acte d’achat peut avoir lieu sans que le client ait jamais visité votre site.
Le contenu produit (fiche produit, argumentaires, photos) devient une matière première pour les agents IA, mais le branding et l’expérience sont moins visibles.
Cela pose une question cruciale : comment préserver son identité de marque si l’achat se fait dans une interface neutre comme ChatGPT ?
Du SEO au GEO : la naissance du Generative Engine Optimization
Avec l’essor de ChatGPT, Perplexity, Claude et autres moteurs génératifs, on parle de plus en plus de GEO (Generative Engine Optimization).
Le principe : il ne s’agit plus seulement d’optimiser pour Google, mais de rendre son offre accessible, fiable et pertinente pour les IA génératives.
Cela implique :
Structurer ses données produits (schémas, taxonomies, prix, stocks).
S’assurer que ses contenus soient facilement interprétables par une IA (fiches produits normalisées, attributs clairs).
Investir dans des intégrations directes (API avec Shopify, Stripe, iAdvize).
Sans cela, le risque est simple : disparaître des recommandations faites par les IA aux consommateurs.
Le risque de commoditisation
Quand une IA compare les offres, elle met naturellement en avant le prix, la disponibilité et la livraison. Résultat : les marques qui ne travaillent pas leur différenciation risquent d’être réduites à de simples fournisseurs interchangeables.
Exemple : un consommateur demande « un t-shirt blanc coton bio, livraison rapide ». Si l’IA met en avant uniquement les critères objectifs, la marque qui se différenciait par son storytelling peut disparaître au profit du prix le plus bas.
D’où la nécessité d’investir sur :
les exclusivités produits,
les services associés (abonnement, personnalisation, SAV premium),
et le contenu différenciant, qui nourrit la préférence de marque.
Vers de nouveaux modèles économiques
Avec l’agentic commerce, les modèles de rémunération pourraient aussi évoluer. Si demain, les marques paient pour être mieux intégrées ou mieux référencées dans les agents IA, on assistera à l’émergence d’un nouveau marché : celui de la visibilité conversationnelle.
Les dirigeants doivent déjà anticiper :
quel sera le coût d’acquisition dans un monde dominé par les IA agents ?
faudra-t-il « sponsoriser » ses produits auprès des fournisseurs d’agents (à l’image du SEA pour Google) ?
quelles nouvelles compétences intégrer en interne pour gérer cette visibilité (experts GEO, data engineers, spécialistes API) ?
Opportunité pour les marques B2B
Si le B2C sera le premier touché, le B2B pourrait être un terrain fertile :
Les directions achats cherchent à réduire le temps consacré aux appels d’offres et aux comparaisons manuelles.
Un agent IA peut proposer une shortlist de fournisseurs, générer un devis, vérifier les stocks, puis finaliser la commande.
Les gains de productivité sont potentiellement énormes.
Clés de réussite opérationnelles
Structurer ses données produits
La première brique est évidente : un agent IA ne “voit” pas vos belles pages web, il lit vos données. Cela signifie que vos fiches produits doivent être :
complètes (prix, caractéristiques, dimensions, images haute qualité, disponibilité en stock),
normalisées (schéma produit conforme aux standards, balises structurées, nomenclature cohérente),
dynamisées (mise à jour en temps réel via API).
Par exemple, un site qui vend des appareils photo doit s’assurer que les fiches intègrent clairement des attributs comme la résolution, le type de capteur, la compatibilité optique… Sinon, l’agent IA sera incapable de comparer ou de recommander vos produits.
Préparer son CRM/ERP pour l’intégration avec des agents
L’agentic commerce repose sur des intégrations fluides. Sans connecteurs, impossible pour un agent IA d’exécuter une commande ou de gérer un réassort.
ERP : stock, logistique, délais de livraison.
CRM : historique client, préférences, conditions commerciales.
Paiements : intégrations avec Stripe, Klarna ou autres prestataires prêts pour l’agentic commerce.
Les entreprises qui s’appuient encore sur des systèmes cloisonnés ou obsolètes auront du mal à suivre. C’est un chantier de modernisation IT incontournable.
Sécuriser la confiance et la transparence
Une adoption massive ne sera possible que si les consommateurs ont confiance. D’après Vidjet, 65 % des acheteurs sont ouverts à l’agentic commerce, mais sous condition de :
transparence sur les critères utilisés par l’IA,
sécurité des données bancaires,
possibilité de valider ou corriger l’achat avant confirmation.
Les marchands doivent donc anticiper :
quelles informations partager avec les agents,
quelles règles de validation mettre en place,
comment assurer un service client humain en cas de litige.
Réinventer le rôle de la marque
Si une IA filtre en priorité prix et disponibilité, le risque de commoditisation est réel. La clé, c’est de donner à l’IA des arguments tangibles de différenciation :
un SAV premium documenté,
des garanties allongées,
des options de personnalisation,
une politique de développement durable clairement affichée.
En clair, il faut traduire le storytelling de la marque en données exploitables par une IA. La nécessité d’intégrer des données structurées (rich snippets) ne fait plus aucun doute.
Tester dès maintenant les intégrations
Il existe déjà des moyens concrets de se lancer :
Shopify permet aux marchands de connecter leur catalogue à ChatGPT.
Stripe propose des API pensées pour l’agentic commerce.
iAdvize teste des agents conversationnels capables de déclencher directement des commandes.
Les dirigeants ont intérêt à initier des proof of concept dès aujourd’hui, pour identifier :
la faisabilité technique,
l’impact sur les taux de conversion,
l’appétence des clients.
Cas d’usage B2B : un potentiel énorme
Commandes récurrentes automatisées
Dans de nombreux secteurs B2B (industrie, fournitures, équipements IT…), les clients passent les mêmes commandes chaque mois.
Avec un agent IA connecté à l’ERP et au CRM, ces commandes peuvent être générées automatiquement en fonction des stocks disponibles, sans intervention humaine.
Simplification des devis et appels d’offres
Le processus d’achat B2B est souvent lourd : demandes de devis, comparatifs de prix, échanges multiples. Un agent IA peut :
générer un cahier des charges basé sur l’historique,
interroger automatiquement plusieurs fournisseurs,
compiler les réponses et recommander la meilleure option.
Cela réduit drastiquement le temps passé par les acheteurs et fluidifie la relation fournisseur.
Gestion proactive des conditions commerciales
Un agent peut être programmé pour vérifier en continu :
les prix négociés,
les délais de livraison,
la conformité contractuelle.
Il alerte automatiquement le client si une commande sort des conditions habituelles (ex. retard de livraison). Ce qui permet une réactivité accrue et un meilleur suivi qualité.
Support client enrichi
Dans le B2B, le support client est stratégique. L’agentic commerce permet :
de répondre immédiatement à des questions sur la disponibilité,
d’indiquer des alternatives en cas de rupture,
de fournir les délais de livraison en temps réel.
Un acheteur n’a plus besoin d’appeler un commercial : l’IA lui donne la réponse en quelques secondes.
Cas d’usage avancé : l’intégration aux workflows métiers
Au-delà de la commande, l’agent peut s’intégrer dans des workflows métiers :
Réapprovisionnement automatique basé sur la production en cours.
Gestion de contrats d’abonnement (SaaS, maintenance).
Optimisation logistique (choix du transporteur en fonction des coûts et délais).
Le bénéfice est double : productivité côté client, fidélisation côté fournisseur.
L’agentic commerce n’est pas un simple buzzword. C’est une mutation profonde, portée par des acteurs majeurs comme OpenAI, Shopify et Stripe, qui réinventent déjà l’acte d’achat.
Pour les e-commerçants, les défis sont importants :
Désintermédiation : perdre une partie du contrôle sur le parcours client.
Commoditisation : voir sa marque réduite à un prix et un délai de livraison.
Transformation organisationnelle : adapter les équipes et les systèmes pour travailler avec des agents IA.
Mais les opportunités le sont tout autant :
réduction des frictions pour le client,
gains de productivité énormes en B2B,
nouvelles voies de différenciation par les services, la confiance et l’expérience.
La bascule est comparable à celle du passage du PC au mobile commerce. Ceux qui expérimentent tôt, qui structurent leurs données et qui investissent dans la différenciation prendront une avance décisive.
L’enjeu ultime n’est plus seulement de vendre en ligne, mais d’exister dans les conversations où se décident les achats.
FAQ - Les questions à se poser sur l'agentic commerce
L’agentic commerce est un modèle où l’intelligence artificielle agit en tant qu’agent autonome pour rechercher, comparer et acheter des produits à la place du consommateur, directement depuis une conversation avec une IA comme ChatGPT.
Le conversational commerce se limite aux échanges avec un chatbot ou un voicebot, souvent sur un site ou une app. L’agentic commerce va plus loin : l’IA prend des décisions et exécute l’achat, sans se limiter à une plateforme unique.
En B2B, l’agentic commerce permet d’automatiser les réassorts, de simplifier la gestion des devis et de réduire le temps consacré aux appels d’offres. Les gains de productivité sont considérables pour les directions achats et les fournisseurs.
Parmi les acteurs clés : OpenAI (« Buy it in ChatGPT »), Shopify (intégration directe de catalogues), Stripe (paiements agent-ready) et iAdvize (agents conversationnels pour retailers).
Pas à court terme. Les sites restent essentiels pour le branding, l’expérience client et la réassurance. Mais une part croissante des transactions pourrait se déplacer vers des agents IA, obligeant les marchands à revoir leur stratégie.
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